jeudi 8 mai 2014

Seven

Cela fait maintenant 7 jours que tu es sortie de ma vie. 7 jours, soit 168 heures. Pourtant, j'ai l'impression que c'était hier. Notre première rencontre, il y a plus de 20 ans, à l'abri des regards. Mes lèvres sur toi, maladroites d'abord, puis de plus en plus assurée au fil des moments passés ensemble. Mes mains tremblantes quand j'avais peur de ne pas te voir, de ne pas t'avoir.

Puis, nos sorties ensemble, au grand jour. Notre coming-out, une façon de m'affirmer et de défendre qui j'étais. Et toujours, toi, à mes côtés, pour me rassurer par ton odeur, m'éclairer par ta présence, m'aider à vaincre ma solitude. Toi, toujours présente, dans les bons comme dans les mauvais moments... Est-ce parce qu'il y a eu de plus en plus de mauvais moments que j'ai eu de plus en plus besoin de toi? Toujours est-il que, quelle que soit l'heure, quel que soit l'endroit, je pouvais toujours compter sur toi pour m'accompagner, me donner une contenance qui me manquait bien souvent...

Une fois, par le passé, j'ai essayé de te quitter. Déjà...  J'avais choisi une vie rangée, et tu n'allais pas avec cette vie-là: les enfants, la Vie "normale", la société, autant d'univers d'où tu étais rejetée et qui ne me laissaient pas d'autres choix que d'envisager mon existence sans toi. Et j'ai tenu. 3 ans. Et puis, finalement, les enfants, la Vie "normale", la société, ont cessé d'avoir pour moi une connotation idéalisée et je t'ai retrouvée. Tu étais là. Tu m'avais attendue. Tu n'as fait aucune remarque: tu es revenue dans ma vie, tu as embrasé mes lèvres, comme par le passé.

Malgré tout, malgré ton absence de reproches, malgré ta fidélité à toute épreuve, malgré le fait que tu n'aies jamais rien attendu de moi en retour, je me suis toujours sentie otage de toi, de ton odeur, de ta lumière. Je peux bien te l'avouer, maintenant: tu m'excitais. Je m'en rends d'autant plus compte que, depuis que tu es partie, j'ai le sentiment d'une immense fatigue. Immense, mais mienne. Donc réelle. Alors que toi, tu m'empêchais de ressentir mes limites, tout en me limitant insidieusement sur tant d'autres plans: ma santé, mes sorties, mes dépenses... Car oui, tu m'as coûté cher. De plus en plus cher.

Avec les années, tu m'as finalement fait payer le prix fort de mes infidélités: à chaque fois, te reconquérir était plus impliquant, plus dangereux pour moi, pour mes proches. A la place du week-end que j'aurais pu passer à découvrir une ville, à faire de nouvelles rencontres, tu engloutissais mon budget sans avoir, au final, rien apporté de neuf avec toi. A part, peut-être, une haine grandissante à ton égard...

Et puis voilà: il y a une semaine, je t'ai laissée tomber. Sans te prévenir, histoire de ne pas te laisser la possibilité de me faire changer d'avais. Toi qui me tenais pour acquise à jamais, te voilà maintenant quittée à nouveau. Oh, je te croise: dans la main d'un autre ou d'une autre, dans un bar, rarement, dans la rue, souvent, mais je te regarde avec compassion, voire avec pitié. Non, tu ne m'excites plus, ni ton odeur, ni ta lumière. Je t'ai remplacée par une autre, une qui fait plus de bruit, tout autant de fumée, mais sans feu. Une qui ne veut pas ma mort. Une qui change de parfum selon mon humeur. Une qui me permettra de voir grandir ma descendance.

Ma chère clope, ainsi s'achève ma missive: je te laisse avec tes images de dents gangrénées, de foetus trop petits et tes milliers de trachéotomie sur la conscience. Quant à moi, je vais enfiler mes godasses de running, reprendre mon souffle et tenter de récupérer les années que tu étais prête à m'épargner. Ce n'est pas tant vieillir qui m'intéresse, que m'assurer que tu resteras à distance de mes enfants. Et ça, crois-moi, ça maintient...


lundi 7 janvier 2013

Je vous parle d'un temps

Il y a vingt ans, je connaissais une trentaine de numéros de téléphone par coeur, des dates d'anniversaire, des adresses postales.
Aujourd'hui, je connais trois numéros - les autres sont enregistrés sur mon iPhone -, Facebook me rappelle quand mes amis sont nés et plus personne ne donne son adresse postale.

Il y a vingt ans, je prenais des nouvelles des gens en les appelant, ou en leur écrivant une lettre. D'ailleurs, j'avais des correspondants.
Aujourd'hui, mon mur est plein de nouvelles de gens que je ne connais pas, je ne sais plus écrire sans correcteur d'orthographe et j'ai des "followers".

Il y a vingt ans, quand je ne savais pas quelque chose, je consultais un dictionnaire, ou mes parents, ou des proches. Et pour faire un exposé à l'école, j'allais à la bibliothèque, et je cherchais en me promenant dans des couloirs emplis de livres, épaulée par les connaissances d'une gentille dame.

Aujourd'hui, quand j'ignore quelque chose, je n'ai besoin de personne, juste de mon iPhone, de mon ordinateur. Et quand je dois présenter un sujet, je me promène virtuellement au milieu de millions de livre, et il n'y a plus de gentille dame pour me conseiller. Juste Mister Google.

Il y a vingt ans, quand je partais en vacances, je prenais des photos. Quand je rentrais de vacances, j'allais les faire développer. Certaines étaient floues, certaines bonnes. Et puis, à l'occasion, je les collais dans un album et les faisais découvrir à mes proches. 

Aujourd'hui, quand je pars en vacances, mon téléphone prend des photos. Et quand je rentre, tout le monde les a déjà vues sur Facebook. Je ne fais plus de photos floues, ou plutôt, je les efface. De toute façon, peu import qu'elles soient bonnes ou pas: je ne les colle que sur mon ordinateur. Et personne n'a envie de voir des photos sur un ordinateur.

Il y a vingt ans, je me demandais ce que je ferais dans 20 ans. Et j'espérais avoir accompli de grandes choses: écrire un livre, devenir une vedette, me marier avec Johnny Depp.

Aujourd'hui, je me demande ce que je ferai dans 20 ans. On accomplit plus que difficilement de grandes choses: écrivain rapporte moins que blogueur, la télévision a rendu le talent obsolète et Johnny Depp a quitté sa femme.

Le plus difficile, ce n'est pas la chute, c'est l'absence de wi-fi...

lundi 31 décembre 2012

"Celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom"

Je sais: on est le 31, jour du glamour et du bling-bling, des paillettes et des cotillons, de la fête des bulles et des bulles de fête, du foie gras, du caviar, bref, de tout ce qui coûte cher et ne rapporte rien. Et non, je ne vous parlerai pas de Harry Potter, pas plus que de Voldemort.

Si j'aborde le sujet-dont-on-ne-doit-pas-parler, c'est parce qu'il y a quand même des trucs qui m'échappent: j'aimerais savoir quelle mouche a piqué le Créateur de nous rendre assez vulnérables et ridicules pour nous obliger à nous rendre aux toilettes plusieurs fois par jour, ceci afin de vider nos intestins et notre vessie de ce dont le corps n'a pas besoin.

Pourquoi, alors qu'il avait tous les outils à sa disposition, ne nous a-t-il pas permis de faire nos besoins de façon plus poétique, en régurgitant des bouquets de fleurs, en laissant un flot de rubis sortir de nos oreilles, bref: pourquoi faisons-nous "caca"?

Déjà, c'est très gênant. Ca oblige à vérifier que personne n'est à proximité et à réserver l'opération aux endroits disposant d'une porte QUI FERME! Ensuite, ça nous oblige à acheter tout un tas de trucs qui sentent bon et dont tout le monde sait pourquoi ils sont là, ce qui rend l'opération nulle. Enfin, pour les jeunes amoureux, ça force à s'absenter sans mention de la raison, voire, lorsque la terrible question "tu vas où?" est posée, de répondre par un délicat et mystérieux "je revieeeeens", forcément suivi 10 minutes plus tard par un bruit de chasse d'eau ne laissant que peu de place au doute...

Heureusement, il reste le charme candide des enfants pour nous ramener sur terre, fiers qu'ils sont de partir la fleur au fusil en nous gratifiant d'un "JE VAIS FAIRE CACA!"assumé (vu la tête de Tata Huguette, ça ne se fait décidément pas...). Et d'imaginer l'acte de bravoure que cela constituerait, en tant qu'adulte, de me tourner à mon tour vers les miens et de déclamer: "JE VAIS FAire un tour... enfin, je m'absente deux minutes... pour aller fumer... aux toilettes... ou pas...". Maudit "celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom"...

jeudi 8 novembre 2012

Rater sa vie...

Voilà un titre accrocheur. Le bon départ pour un article de blog. Un article de blog étant censé, dans l'inconscient collectif, exprimer une opinion personnelle ou raconter une histoire à laquelle "tout le monde" peut s'identifier. Tout le monde peut s'identifier à plein de choses, dépendant de comment elles sont racontées. Raconter les choses de la bonne façon, c'est y mettre de l'humour, y apporter un autre regard ou impressionner son lecteur par un statut d'expert. Un statut d'expert vient souvent de l'utilisation de mots savants.

Je n'aime pas les mots savants. Ils m'ennuient. Déjà, parce que quand on veut vraiment intéresser un lecteur et qu'il retienne le fond, la forme ne doit pas être un obstacle, mais une passerelle entre son cerveau et le mien. Ensuite, parce que trop de mots savants finissent par en dire davantage sur celui qui écrit que sur ce qu'il pense vraiment. En même temps, tenir un blog, c'est avoir envie de faire parler de soi. Ou de parler de soi. Ou de parler à quelqu'un. De parler tout court.

Je n'aime pas les blogs. Je sais: j'en ai un, même plusieurs. Ceci dit, je n'aime pas non plus les enfants. J'en ai aussi plusieurs. Les blogs, c'est comme les enfants: ceux des autres nous énervent, nous insupportent. Les nôtres nous paraissent toujours plus intelligents, plus adéquats. Les blogs, c'est comme les enfants: ils sont le reflet de ce que nous sommes, partiellement, très partiellement. Certains les adorent, d'autres les détestent. On aimerait qu'ils nous ressemblent, mais heureusement, ce n'est jamais le cas.

J'aime raconter des histoires, les miennes ou celles des autres. Et puis, inévitablement, je me rends compte que les meilleures ne sont pas racontables. Elles pourraient m'attirer des ennuis, petits ou gros. Du coup, je ne raconte pas les histoires que j'aimerais raconter, je raconte juste celles qui ne me créeront pas trop d'histoires.

J'avais un titre accrocheur, mais j'ai changé d'avis en cours d'écriture, comme souvent. J'avais créé un blog pour exprimer ma façon de voir les choses, mais j'ai été trop lâche pour aller jusqu'au bout, comme souvent. J'avais des lecteurs au début de cet article, mais je fais des textes trop longs et je les ai sûrement perdus en route, comme souvent. Je pourrais conclure avec mon titre, mais ce serait trop facile. Et rarement, trop rarement, la facilité m'ennuie. Comme les mots savants, les enfants et les histoires racontables.

samedi 27 octobre 2012

A la recherche de mon temps perdu


Ainsi pourrait commencer mon voyage en terres chaux-de-fonnières : il était une fois… Car arriver à la Chaux-de-Fonds, c’est comme participer à l’émission « Retour en terre inconnue », un voyage dans le temps, mais aussi la découverte de gens pas comme les autres, les derniers irréductibles, peut-être…

Tout cela a commencé par une mystérieuse missive, envoyée depuis un célèbre réseau social : quelqu’un me proposait de me rendre à la Chaux-de-Fonds le temps d’un week-end et de témoigner à mon retour, sur mon blog, de mon « aventure ». Après quelques vérifications pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un canular, nous avons pris contact et élaboré les étapes du périple. J’arrête tout de suite les malpensants : totale liberté de ton et de contenu m’était donnée, nulle rémunération à la clé, si ce n’est le plaisir de découvrir la ville, quelques bonnes adresses, et une nuit dans un hôtel au nom déjà intriguant : Les Endroits. Une expérience qui ne se refuse pas...

Ainsi, chargée de mon stylo, de mon bloc de feuille (mais oui, vous savez, ce truc qui ne réagit pas quand on passe l’index dessus !) et de mon impartialité, je me rendai donc sur place, non sans avoir la sensation, en chemin, d’être une sorte de Colomb 2.0 partant à la conquête d’espaces vierges à raconter…  Pour plus d’immersion, à peine arrivée et chaleureusement reçue par le personnel de ce qui allait être mon point de chute pendant 48 heures, je décidai d’abandonner là mon destrier urbain à quatre roues pour explorer les transports urbains locaux. Histoire de faire d’emblée connaissance avec la ville, j’étais reçue à l’Espace de l’Urbanisme Horloger pour y visionner un film d’introduction à l’Histoire de ma désormais terre d’adoption. Très vite, je compris que la Chaux-de-Fonds avait décidé de me sortir le grand jeu, et, très vite aussi, que j’avais décidé de me laisser séduire… Ainsi, il fût fait.

Je pourrais vous parler des merveilles architecturales de la ville, à commencer par son système en damier si particulier ; vous expliquer qu’elle a été conçue autour de la valorisation  de sa première richesse: une luminosité particulière, cinglante, qui traverse les fenêtres pour mieux éclairer les plus petites pièces d’horlogerie; vous dire que si les habitations, elles, ont la particularité d’être séparées par de larges routes, c’était originellement afin d’assurer un dénneigement rapide, et permettre ainsi aux artisans horlogers d’aller chercher et amener leurs pièces sans délai. Une ville réfléchie, une ville intelligente, une ville au mécanisme aussi précis que ses célèbres garde-temps.

Je pourrais vous conter l’histoire d’une population issue de la paysannerie qui occupait ses hivers en réparant des montres en tous genres, et qui a développé un savoir-faire en transformant les contraintes de son environnement en avantages uniques ; des gens simples qui gardaient le bétail à la belle saison et le Temps le froid venu; vous raconter que cette même population s’est soulevée en 1848 contre une monarchie, et que là-bas, on est engagé par vocation, pas par défi, un esprit encore palpable; que si les nantis y côtoiaient sans heurts toutes les couches sociales, cela provient de la prise de conscience de la complémentarité entre ceux qui possédaient le savoir-faire et ceux qui oeuvraient pour le faire savoir. Des gens droits, des gens inventifs, des gens à la complexité aussi surprenante que les garde-temps qu’ils créent.

Je pourrais évoquer Le Corbusier et ses œuvres qui ornent les flancs de la ville ou le Cinéma Scala; cet « enfant » de la région reconnu à travers le monde mais qui n’a jamais été chez lui « chez lui » ; vous raconter comment son Mentor, L’Eplattenier, a conçu un Art Nouveau propre à la région ; que s’il l’a baptisé le style « Sapin» s’est parce qu’inspiré par le décor de sa ville nichée au milieu des forêts, il était amoureux de ce paysage ; qu’il a élevé à la gloire de son art un Crématorium splendide, sublimant la mort elle-même à renfort de poésie et de majestuosité ; vous dire l’inscription qui surplombe le visiteur lorsqu’il fait le tour de la bâtisse et qui résonne comme un appel aux vivants ; je pourrais vous parler des couloirs cachés derrière les lourdes portes de bois des maisons, teintés de faux marbre et décorés de vues de toute la Suisse, vestiges d’une époque où l’on voyageait à travers des tableaux plutôt que des photos. Des Artistes exilés, des Artistes chéris, des Artistes, tout simplement.


Je pourrais aussi vous emmener voir le Carillon, objet fantasque, quasi burlesque, tout en couleurs et en sons, qui donnent l’heure à une ville entièrement dédiée au temps, mais sur laquelle le temps semble n’avoir aucune emprise ; vous pourriez vous asseoir sur les marches qui le bordent et vous interroger un instant sur le cerveau humain, capable d’accoucher de choses aussi insolitement utiles ; vous iriez visiter le Musée Internationale de l’Horlogerie pour mieux comprendre comment la rigueur et la créativité ont donné naissance à de véritables chefs-d’œuvre de précision et d’imagination et réaliser que du haut des aiguilles du temps, des siècles de recherches nous contemplent; vous pourriez aller découvrir la Grande Fontaine et ses 12 tortues dont la raison d’être vous sera transmise par ceux qui connaissent son secret et vous le confieront peut-être, si vous savez les faire parler; vous faire peur dans une Maison Fantôme aux milliers de figurines perturbées et perturbantes, tenue par un personnage aussi étrange que chaleureux, fan de série Z, de belles femmes et de discussions enthousiastes…

Je pourrais vous entraîner au Festival de la Plage des Six Pompes, flâner au milieu des artistes évoluant entre humour et magie ; vous pourriez y découvrir que même ce Festival a vu le jour sous le signe de l’Horlogerie, dédié qu’il était à offrir - aux habitants de la ville qui n’avaient pas les moyens de se rendre à l’étranger – un voyage insolite aux chaux-de-fonniers pendant les vacances horlogères ; en passant, nous pourrions aller dans la Cave à Jazz du Café de Paris, un restaurant aux couleurs du passé mais à la musique intérieure contemporaine, juste pour en apprécier les vieilles pierres en même temps que l’acoustique exceptionnelle ; nous irions siroter un verre, sur une terrasse, quelque part entre deux rues au nom exotique, rappel d’une pièce d’horlogerie, de rêves d’avenir ou des héros du passé ; nous entraperçevrions peut-être dans un atelier laissé à l’abandon les fantômes des ouvriers d’autrefois, affairés à leur établi désormais disparu, mais dont le vent emporte le cliquetis des outils jusqu’aux oreilles attentives...

Avec tout ça, je pourrais déjà vous inciter à venir y passer quelques jours, à l’occasion de la célébration du 125ème anniversaire de la naissance du Corbusier, d’un week-end en amoureux, d’un moment loin de l’agitation de la ville, mais avec tout de la ville à disposition. Vous ne seriez assurément pas déçu de votre escapade, rien qu’avec tout ce que la Chaux-de-Fonds vous donnerait d’elle sans que vous n’ayez à le demander.

Et pourtant… il y a des choses qui ne se racontent pas : l’atmosphère des bâtiments qui, si vous y regardez bien, vous permettent encore de voir les ouvriers d’autrefois à l’ouvrage ; les chevaux du siècle dernier, équipés de triangles et longeant les rues afin d’enlever le surplus de neige ; les enfants jouant dans les rues pour profiter de l’or blanc ; les horlogers s’activant avec leur valise à la main, traversant le pays, les continents, afin de faire la promotion de leurs plus belles pièces et assurer la réputation des grands noms chaux-de-fonniers ; les odeurs presque palpables de l’Ancien Manège surplombant la ville, abritant les fantômes des cavaliers émérites ou amateurs ; la vue majestueuse embrassant la mécanique urbaine depuis la tour sise à l’Espacité ; le sentiment de plénitude devant la fresque en mosaïque de l’Eplattenier consacrée au Triompe de la Vie sur la Mort au Crématorium; la chaleur du sourire des chaux-de-fonniers, le soleil de leur générosité ; les attentions d’un guide pas comme les autres, la passion d’un restaurateur de montres tourné vers l’avenir, la gentillesse d’une serveuse dans un hôtel bucolique …

J’aurais pu essayer de mettre des mots sur chaque émotion ressentie pendant mon périple de 24 heures qui s’est achevé par un arrêt à la Vue-des-Alpes, mais ça n’aurait pas été à la mesure de ce que la Ville m’a offert… Parce que, la Chaux-de-Fonds, c’est avant tout un état d’esprit.

Et qu’un état d’esprit, ça ne se raconte pas : ça se vit.

mardi 14 août 2012

Je t'aime... Facebook!

Peut-on encore aimer à l'heure des réseaux sociaux? Et si on le peut, une relation saine et équilibrée est-elle seulement possible quand la pollution virtuelle est de la partie?

Pour une fois, je me sens légitime, tiens. Ayant grandi et connu mes premières amours alors que Mark était encore en couches-culottes, je peux témoigner des rencontres dans la vraie vie, des téléphones interdits en dehors de certaines heures, des missives par poste et des ruptures exemplaires.

Il était une fois... "nous, quand on était jeunes et qu'on sortait ensemble, on était vraiment "ensemble", sans sms, sans Whatsapp, sans consultation de nos mails ou de nos fils d'actualité. Nous, quand on était jeunes et qu'on regardait la télévision, on regardait VRAIMENT la télévision. Nous, quand on était jeunes, on ne savait que plus tard ce que l'autre avait fait de sa journée ou soirée, pas en se connectant sur Facebook, et du coup, on avait des trucs à se dire quand on se retrouvait. Nous, quand on était jeunes, si on voulait se parler ou se voir, il fallait s'organiser et se rappeler des numéros des gens par coeur. Nous, quand on était jeunes et qu'on voulait se dire que l'on s'aimait, on se le disait, on se l'écrivait, on se voyait.

Mais nous, aussi, on ne se sentait pas obligés de choisir entre des moments avec nos amis et des moments avec notre moitié: les univers étaient compartimentés. De même pour le travail, etc. Nous, quand on prenait une photo de nous, on devait attendre des jours, des semaines, pour voir le résultat sous nos yeux, et cette attente participait de l'euphorie. Nous, quand on était jeunes et qu'on s'aimait, on le montrait plus, on le disait moins. Et quand on voulait dédier une chanson à l'Autre, il fallait faire de VRAIES recherches et lui "fabriquer" une cassette audio qu'il découvrait tout seul, chez lui, ou sur son walk-man."

Ne vous y trompez pas, je ne suis pas nostalgique des vieux Sony, des téléphones fixes, des téléviseurs cathodiques, des trajets en bus ou en stop, des pellicules, des photos floues, etc., non, je suis juste nostalgique de toutes ces petites choses qui faisaient que l'Amour, ça nous impliquait réellement. 

samedi 4 août 2012

Le pays des Bisounours

Sur le papier, j'ai 37 ans, d'après les sources officielles. D'après mes parents, d'après l'Etat Civil, d'après mes diplômes, tout correspond.

Dans la réalité, j'oscille entre 7 et 17 ans. Autant dire que mes filles commencent à être plus matures que moi sur certains aspects.

Je ne parle même pas de ma tendance à m'enthousiasmer devant le moindre truc comme si je découvrais un arc-en-ciel ou un coucher de soleil pour la première fois; ni de mon côté désinhibé qui me pousse à danser et chanter comme si j'étais seule au monde et que je faisais ça très bien.

Non, je fais juste allusion à mon incapacité à concevoir le mal à travers le monde et à être persuadée que me promener à 2 heures du matin dans un quartier douteux est une façon de contrer les idées reçues pour prouver que les faits divers ne sont pas une généralité, mais des cas d'exception.

Et voilà comment, depuis 20 ans (au moins), je me retrouve dans des situations pourries, dons d'argent (enfin, prêts, mais les gens sont très longs à rembourser), bénévolat (ce n'est pas parce que les gens n'ont pas de moyens qu'ils ne peuvent avoir droit à de bons conseils), hébergement (à quoi ça sert que j'ai un appart si je n'en fais pas profiter ceux qui n'en ont pas?), amitiés unilatérales (c'est pas de leur faute s'ils ne rappellent pas: leur vie est tellement compliquée), amours euh... oui, mais là non, ça devient vraiment pathétique quand je fouille dans ma mémoire.

La question que je me suis posée est LA question essentielle à laquelle on se retrouve confrontés tôt ou tard (c'est la nature humaine qui veut ça): POURQUOI???

1. Je pense que d'avoir eu un parcours télévisuel du type Babibouchettes, Bisounours, Récré A2, Hélène et les Garçons, La petite maison dans la Prairie (pourquoi cette s..... de Laura Ingalls s'en sort toujours, ça??!!), etc. n'a pas aidé;
2. Je pense que le fait de m'identifier systématiquement à tous les personnages des films que je visionne, passant d'une émotion à l'autre avec une empathie qui me pousse même à comprendre pourquoi Hannibal Lecter est devenu Hannibal Lecter, etc. n'a pas aidé;
3. Je pense que le fait d'avoir des parents qui s'aiment indécemment depuis 40 ans, se baladent main dans la main, ont eu le culot de ne pas divorcer, ont prôné l'amour véritable, la tolérance, etc. n'a pas aidé;
4. Je pense que le fait d'avoir eu le sentiment d'être bénie des Dieux d'être née là où je suis née, en bonne santé, plutôt mignonne, pas trop bête et d'avoir un certain succès dans mon métier, etc. n'a pas aidé;
5. Je pense que le fait d'être entourée de gens qui me veulent du bien, d'avoir des enfants géniaux, d'aimer la vie, la musique, le monde, les êtres humains, les livres, la bouffe, les papillons, le silence, la pluie, etc. n'a pas aidé.

Suite à ces 5 points, je suis finalement arrivée à une réponse: c'est normal que je sois aussi conne, tout a été fait pour que ce soit le cas.

Conclusion: si ce n'est pas moi, le problème, c'est donc que...